Nouvelle publication du Défenseur des droits : “Pour une protection effective des droits des personnes roms”

 

Le 12 mars 2021, l’Union européenne a adopté une recommandation sur l’égalité, l’inclusion et la participation des personnes roms.  Il convient de rappeler qu’au niveau européen, le terme roma est à considérer dans une acceptation large, c’est-à-dire qui inclut les personnes roms et les gens du voyage.

Cette recommandation prévoit que les Etats membres élaborent, avant la fin de l’année 2021, des stratégies nationales en matière d’égalité, d’inclusion et de participation des personnes roms et des gens du voyage. Ces stratégies doivent intégrer des mesures dans plusieurs domaines : égalité, inclusion et participation, éducation, emploi, santé et logement. 

En France, c’est la Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL) qui est chargée, depuis mai 2021, d’animer une concertation interministérielle et d’élaborer une stratégie sur les personnes roms et les Gens du voyage.

Saisie par la DIHAL, le Défenseur des droits a apporté sa contribution à l’élaboration de la Stratégie française. Cette contribution, publiée ce jour, se concentre sur des mesures visant à l’inclusion et la participation des personnes roms étrangères, en situation de grande précarité. 

Les principales mesures mises en avant dans la contribution

Dans un contexte, où à la suite d’une expulsion, peu de solutions sont proposées aux personnes expulsées : la première recommandation du Défenseur des droits concerne la nécessité, lors d’une expulsion, de propositions de solutions pérennes et respectueuses des droits fondamentaux des personnes.

Dans sa seconde recommandation, le Défenseur rappelle que, contrairement à ce qu’observe les associations sur le terrain, le droit à l’hébergement est inconditionnel. La sortie de l’hébergement n’est justifiée qu’en cas d’une orientation vers une autre structure d’hébergement ou un logement adapté. Dans les faits, après une expulsion, une proposition d’hébergement n’est faite qu’à une partie des personnes expulsées, généralement selon des critères de vulnérabilité fixés unilatéralement par les préfectures. Quand les personnes peuvent accéder à de l’hébergement, la durée de ce dernier est limitée, entraînant des retours à la rue des personnes. 

Le Défenseur des droits rappelle que souvent les opérations d’expulsions menées par les autorités sont insuffisamment anticipées, et manquent de mesures d’accompagnement, entraînant des ruptures des droits des personnes expulsées, les précarisant davantage et leur imposant un « nomadisme » forcé. Dans sa recommandation n°3, le Défenseur insiste sur la nécessité d’un diagnostic social et global, et l’identification de véritables solutions alternatives d’hébergement avant toute expulsion.

Le Défenseur des droits s’inquiète des expulsions dépourvues de base légale ou révélant des détournements de procédures : utilisation de distribution d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) sur les bidonvilles pour forcer les personnes à partir, décisions administratives après une décision de justice qui donnait des délais aux habitants, procédures pénales détournées etc. La Défenseure dans sa recommandation n°4, rappelle que le droit pénal ne peut, sauf à être détourné de son objectif, constituer un mode d’expulsion.

Les personnes roms, ou perçues comme telles, sont encore victimes de nombreuses discriminations, restreignant leurs droits : domiciliation, accès à la scolarisation etc. Dans ses recommandations 5 & 6, le Défenseur des droits rappelle que le fait d’habiter un lieu de vie informel ne prive pas les personnes de l’exercice de leurs droits les plus fondamentaux.

L’accès à la santé des personnes roms étrangères vivant en lieux de vie informel est également un point essentiel de ce rapport, le Défenseur des droits porte plusieurs recommandations à ce sujet : reconsidération de la dualité des dispositifs d’assurance maladie et AME, développement d’actions de médiation sanitaire auprès des publics en situation de précarité etc.

La crise sanitaire a mis en lumière l’absence d’accès à l’eau dans la plupart des bidonvilles et squats. Cette absence reste une réalité pour une majorité de personnes en bidonvilles et squats. Cette situation est encore plus dramatique dans certains cas, lorsque les personnes sont installées sur un terrain infecté au plomb comme le documentait le journal Libération en septembre 2021. Dans sa recommandation n°10, le Défenseur souhaite que soient examinées les dispositions permettant d’assurer un accès effectif à l’eau potable des publics les plus vulnérables.

Certains des citoyens de l’Union européenne, pouvant être roms ou non, sont souvent confrontés à de grandes difficultés d’accès à leurs droits, liées à une mauvaise interprétation de leur droit au séjour. Ainsi le Défenseur des droits relève, par exemple, que le droit au séjour acquis en qualité de parents scolarisé est particulièrement méconnu. Dans sa recommandation n°12 et 13, le Défenseur recommande aux autorités compétentes, dont la CNAF, de procéder au rappel, à la clarification et à la publication de l’ensemble des règles relatives au droit au séjour des citoyens européens. Elle insiste également sur la nécessité de publication systématique de circulaires et lettres réseaux précisant les modalités d’application de ces règles relatives au droit au séjour des citoyens européens.

 

Un besoin pour la France de combattre le racisme qui vise les personnes roms et voyageuses : l’antitsiganisme

Sur la lutte contre l’antitsiganisme, la contribution du Défenseur reste assez modeste. 

Les personnes qui sont visées par la Recommandation du Conseil de l’UE sont confinées dans une figure fantasmée du “tsigane” et sont en partie reléguées socialement et spatialement pour cette raison. 

Il convient de rappeler que l’antitsiganisme en France ne se cantonne pas uniquement à des opinions négatives répandues parmi la population. En effet, en 2019, les attaques vis-à-vis des bidonvilles étaient fondées sur un stéréotype antitsigane très ancré. Le CNDH Romeurope observe aussi très régulièrement la constitution de collectifs de riverain⸱e⸱s se comportant comme des “milices”, menaçant et intimidant les habitant⸱e⸱s de bidonvilles, parfois à l’arme blanche et détruisant leurs biens. Au-delà de la violence de ces actes, nous avions déploré en 2019 l’absence de condamnation ferme et officielle  du Gouvernement à ce sujet et rappelé avec force la nécessité de tout mettre en œuvre pour lutter contre l’antitsiganisme, et ce au même titre que toutes les autres formes de racisme.

La Défenseure des droits s’engage enfin dans sa dernière recommandation à apporter sa contribution à l’élaboration d’outils et campagnes de communication afin de lutter contre l’antitsiganisme, qui seraient réalisées par diverses instances (DIHAL, DILCRAH, CNCDH…).  Nous saluons cette volonté et appelons à ce que les acteurs de l’anti-racisme adoptent des mesures concrètes sur l’antitsiganisme

Néanmoins, ces mesures ne doivent, à notre sens, pas uniquement se limiter à des campagnes de communication et à des échanges culturels. Elles impliquent aussi de reconnaître le caractère raciste et discriminatoire de certaines violences, d’introduire dans les textes officiels la notion d’antitsiganisme, de punir les auteurs de propos haineux en ligne ou encore de former les professeurs, les journalistes, les forces de l’ordre et les magistrat·e·s…

 

Les prochaines étapes

Cette contribution du Défenseur des droits nous alerte sur les innombrables violations des droits fondamentaux des personnes habitant les bidonvilles et originaires d’Europe de l’Est, roms ou perçues comme telles, en France. Les recommandations appellent le Gouvernement français à respecter le droit national et les obligations découlant des traités européens et internationaux que la France a ratifié et a intégré dans son ordre juridique.

Nous estimons cependant que l’inclusion et la participation des personnes roms, telles qu’elles sont abordées par le cadre stratégique 2020-2030 de la Commission européenne, nécessitent un engagement politique qui dépasse le simple respect des normes juridiques contraignantes. Cet engagement peut se concrétiser par différentes mesures (augmentation des financements, adoption de lois contraignantes, diffusion auprès des acteurs d’outils propices à l’inclusion…) mais devra se faire de façon concertée avec les associations et les personnes directement concernées.

Pour finir, cette contribution nous rappelle l’impérieuse nécessité pour la France de se doter d’une stratégie nationale ambitieuse, tant sur le fond que sur la forme. Nous appelons le Gouvernement français à décloisonner le sujet et impliquer tous les ministères dans la mise en place de cette future stratégie d’inclusion

Il sera nécessaire de suivre la mise en œuvre dans le temps de cette stratégie nationale française. Cette instance devra être distincte de la Commission nationale de résorption des bidonvilles ou encore de la Commission nationale consultative des Gens du voyage. Nous pensons nécessaire de créer une nouvelle instance, qui dépasse la question des publics et qui promeut une vision globale, par exemple un Comité interministériel.

La France doit envoyer sa copie avant la fin de l’année 2021 à la Commission européenne, le temps presse !

 

Retrouvez ici la contribution publiée par le Défenseur des droits le 15 décembre 2021