Communiqué de presse 

Alors que la trêve hivernale s’achève, les intimidations policières se multiplient sur un campement
rom à Chilly-Mazarin

lundi 7 juin 2021

L’association Intermèdes-Robinson, centre social de Chilly-Mazarin, intervient auprès des familles précarisées du nord de l’Essonne depuis 2005, notamment en bidonvilles. Depuis août 2020, nous sommes présents sur un bidonville situé à Chilly-Mazarin, où vivent environ 110 personnes. Nous y intervenons de plusieurs façons : ateliers socio-éducatifs, distributions de nourriture et de matériel, soutien scolaire et inscription des enfants dans les écoles et collèges voisins, accompagnement vers le soin et les démarches administratives.

Alors que la trêve hivernale (prolongée du fait de la crise sanitaire) s’est achevée le 31 mai, nous constatons que la présence policière s’est intensifiée sur ce bidonville. Après deux visites de la police dans la même semaine, et alors que les habitants n’ont reçu aucun avis d’expulsion, ces derniers ont témoigné avoir été victimes d’une intrusion et de violences policières le 3 juin.

Selon les dires de plusieurs habitants, dont les témoignages ont été recueillis séparément, une voiture de la police nationale serait arrivée au bidonville vers 18h. Les agents de police ne se seraient pas garés à l’extérieur mais auraient pénétré l’enceinte du bidonville, accusant les habitants d’avoir volé une caravane se trouvant là. Le propriétaire de cette caravane explique l’avoir achetée, pour héberger des membres de sa famille : « j’ai dit à la police, si vous pensez qu’elle est volée, prenez-la, tant pis », nous raconte-t-il le lendemain. Un policier aurait alors procédé à un contrôle d’identité sur son frère, et aurait eu à son égard des attitudes menaçantes et humiliantes, exigeant qu’il lui dise plusieurs fois : « Excusez-moi ». Puis, il aurait sorti sa gazeuse et aspergé les deux frères. « J‘ai dit, attention, il y a des enfants. Alors il m’a encore gazé ! », nous explique l’un deux. Ce gazage aurait eu lieu alors que beaucoup d’habitants s’étaient regroupés, dont des enfants et une femme âgée qui s’est trouvée mal. Les deux frères se seraient ensuite retrouvés à terre, les policiers menaçant de les menotter. Ces derniers se seraient ensuite enfermés dans leur véhicule et auraient appelé des renforts. Trois voitures supplémentaires, représentant une vingtaine de policiers en uniformes anti-émeute, auraient pris position devant le campement, barrant le passage en plusieurs points, pour finalement quitter les lieux vers 19h.

Ces informations nous ont été transmises par les habitants. Les témoignages recueillis séparément, le jour de l’incident et le lendemain, se recoupent. Une membre de notre équipe a pu voir la colonne de voitures de la police nationale en route vers les lieux. Nous avons également pu visionner des vidéos tournées par les habitants, attestant que la première voiture de police a bien stationné dans le campement. Une autre vidéo montre les policiers regardant sans bouger le passage de la femme âgée évanouie, portée par sa famille.
Nous avons aussi pu constater, en nous rendant le soir même sur les lieux, l’état de choc des habitants : « En quinze ans de vie ici jamais je n’avais vécu ça, jamais on n’avait été aussi violent avec nous », raconte Luminita, une jeune mère qui a déjà vécu des expulsions. « Ils nous ont dit que dans deux semaines ils reviendraient pour casser le camp et qu’il faudra qu’on soit partis, que c’est pas possible de rester ici ». Aucun avis d’expulsion n’a pourtant été diffusé sur le camp, et les policiers n’avaient aucun mandat. L’agression décrite peut donc être qualifiée d’abus, et s’apparente à de l’intimidation (inciter par la violence les habitants à fuir leur lieu de vie) ou à de la provocation (inciter par la violence les habitants à riposter aux humiliations, ripostes qui viendraient légitimer des poursuites futures). Les habitants ont pourtant réagi pacifiquement, et la police est finalement partie, ne trouvant aucune preuve à leur accusation de vol.

Le lendemain, aucun des enfants scolarisés par l’association n’était à l’école. Les familles restaient ensemble sur le camp dans l’angoisse des jours à venir. « Il est vraiment terrible de constater que la police n’hésite pas à mettre à mal l’éducation et le bien-être de ces enfants, quand tant d’efforts sont faits pour leur apporter un peu de stabilité dans leur vie et leur parcours scolaire », s’insurge Marie, médiatrice scolaire à l’association Intermèdes-Robinson.


Contact presse : intermedes@orange.fr https://www.intermedes-robinson.org/
NB : Certains prénoms ont été modifiés