Villeron : un bidonville expulsé par des manifestants en dehors de tout cadre légal
Paris, le 8 février 2023
Une centaine de personnes se sont installées en octobre 2022 dans un bois, propriété de la communauté d’agglomération de Roissy- Pays de France, sur le territoire de la ville de Villeron (Val d’Oise). Les familles, se définissant comme Roms roumaines, s’y sont construites des abris de fortune.
L’expulsion de ce bidonville avait été demandée mais, après le report vendredi de sa décision par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, environ 200 personnes ont organisé une manifestation le dimanche 5 février puis se sont rendus sur place en hurlant : “ Dehors les Roms ”, “ Villeron n’est pas une poubelle ” ou encore “ Aux armes ! ”, d’après les journalistes présent·es sur les lieux au moment des faits.
Malgré la présence d’une cinquantaine de gendarmes, les habitant·es du bidonville se sont enfuis en laissant toutes leurs affaires sur place et un groupe de manifestants venu en découdre a pénétré sur le lieu de vie en commençant à tout détruire. Un peu plus tard, une pelleteuse réservée par les services municipaux a fini de démolir les baraques et les affaires personnelles des familles précaires.
Contrairement à ce qu’affirme le maire de la commune Dominique Kudla – qui soutenait la “manifestation” dimanche, la loi n’est pas du côté des gros bras. En effet, l’article 226-4 du Code pénal précise que le “fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’Etat […], à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ”.
Ce type de comportements par lesquels des individus se croient tout permis en estimant devoir se faire justice eux-mêmes sont inacceptables dans un État de droit. Les actes de violence succèdent désormais aux paroles de haine. Et ce sont les plus fragiles et précaires qui en sont les premières victimes.
Dans son rapport 2021 sur la lutte contre le racisme, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) rappelle que les “populations Roms sont confrontées aux préjugés les plus tenaces et les plus assumés, et à des discriminations concrètes et des difficultés cumulées dans leur accès aux droits”. L’expulsion illégale de ce bidonville à Villeron nous rappelle la persistance d’un antitsiganisme[1] très puissant en France et en Europe.
Alors que la France vient de publier un nouveau Plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations, nous dénonçons avec la plus grande fermeté ces manifestations de haine de l’Autre et demandons aux pouvoirs publics de prendre leur responsabilité, en condamnant au plus haut niveau de l’État ces agissements illégaux. Nous appelons également la justice à faire toute la lumière sur cette affaire et examinons les suites judiciaires possibles.
Signataires : LDH (Ligue des droits de l’Homme), Collectif national droits de l’homme Romeurope, Fédération des acteurs de la solidarité, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), Acina, Association nationale des gens du voyage citoyens (ANGVC), La voix des Rroms, Fondation Abbé Pierre agence Île-de-France, Roms Réussite, Collectif de soutien aux familles rroms du Val d’Oise (Collectif Romeurope 95), Romeurope 94.
Contacts presse :
- LDH, presse@ldh-france.org, 01 58 55 51 00
- Anthony Ikni, délégué général du CNDH Romeurope, contact@romeurope.org, 06 68 43 15 15
[1] Manifestation d’expressions et d’actes individuels, de politiques et de pratiques institutionnelles de marginalisation, d’exclusion, de violence physique, de dévalorisation des cultures et des modes de vie des “Gens du voyage” et des personnes considérées ou se considérant comme Roms (Définition proposée par le Gouvernement)