En mission du 2 au 11 avril 2019, à Marseille, à Toulouse ou encore à Calais, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement décent, Leilani Farha, a dressé un bilan sévère de la politique du logement en France, en pointant tout particulièrement la question des bidonvilles.
La rapporteuse dénonce une ségrégation spatiale fondée sur l’appartenance ethnique et le niveau de revenu en soulignant que la France représente pourtant la sixième puissance économique mondiale.
Bien que saluant la loi DALO, Leilani Farha précise qu’il existe un véritable fossé entre le texte et son application effective, spécialement dans les grandes villes et les métropoles.
Selon le dernier recensement effectué par le gouvernement français, le sans-abrisme a augmenté de 58% entre 2001 et 2012, avec une hausse de 85% du nombre d’enfants dans cette situation sur la même période. Il est également nécessaire de préciser qu’en 2020, selon les prévisions, ces chiffres devraient augmenter. Pourtant, comme le fustige la Rapporteuse, les aides apportées par le gouvernement n’ont qu’un caractère temporaire, et elles sont inefficaces au regard des causes profondes du problème des sans-abris.
Considérant le 115 comme un « dispositif impressionnant », elle précise néanmoins que celui-ci est complètement surchargé. Cet engorgement du 115 ne permet donc pas d’assurer le caractère inconditionnel du droit au logement, et créé des hiérarchies au sein des personnes défavorisées. A Toulouse, en 2018, seuls 10% des appels ont reçu une réponse.
Leilani Farha a constaté que les bidonvilles et formes d’habitat informels étaient généralement créés et habités par les groupes les plus démunis et les plus marginalisés tels que les personnes d’origine rom venant d’Europe de l’Est, les gens du voyage, ainsi que les migrants et les réfugiés. Selon une dernière enquête du Gouvernement, réalisée en juillet 2018, quelque 16 090 personnes vivent dans 497 bidonvilles en France, dont un tiers en région parisienne. Plus d’un quart des habitants de ces établissements et squats sont des enfants.
Lors de sa visite à Marseille dans un bidonville habité par 120 personnes majoritairement roms, la rapporteuse spéciale des Nations Unies a pu échanger avec les habitants en premier lieu, mais aussi avec le Collectif National Droits de l’Homme Romeurope, Médecins du Monde Marseille, Rencontres Tsiganes, l’AMPIL et la Fondation Abbé Pierre.
Au sujet des bidonvilles, la rapporteuse déplore la stratégie des pouvoirs publics consistant à priver les habitants des services les plus élémentaires et en parallèle à les menacer, ou à les expulser de façon répétée. Ces mesures ne s’accompagnent pas de solutions alternatives de l’Etat en termes de logement convenable, alors même que le droit international interdit les expulsions qui ont pour conséquence de rendre les personnes sans-abri. En ce sens, selon les chiffres de notre Collectif, repris dans la Déclaration de fin de mission de la Rapporteuse, seulement 2,5% de l’ensemble des personnes expulsées de bidonvilles ou squats en 2018 ont bénéficié de solutions de logement à long terme assorties d’un accompagnement social.
A propos de la situation dans les régions de Calais et de Grande-Synthe, Leilani Farha rappelle qu’on estime que 600 à 700 migrants et réfugiés sont actuellement sans abri et vivent dans des tentes et des petits campements. Dans les camps aux alentours de Calais, la Rapporteuse constate qu’il existe des violations systématiques et flagrantes du droit à un logement convenable en vertu du droit international des droits de l’homme.
Par ailleurs, celle-ci encourage le gouvernement à une meilleure inclusion des personnes concernées:
« Je rappelle au Gouvernement que les personnes sont les meilleurs juges pour leur propre vie, et que leur participation aux décisions qui les concernent est un droit fondamental. Les résidents doivent avoir la possibilité de contribuer à la prise des décisions qui touchent leur vie ».
La rapporteuse rappelle donc au Gouvernement français, qu’en vertu du droit international des droits de l’homme, les expulsions ne sont justifiables seulement après que l’ensemble des alternatives possibles à l’expulsion n’aient été explorées ; suite à la consultation des habitants et une fois que des logements de remplacement à proximité des bidonvilles existants puissent être proposés ou garantis.
Pour lire les 9 recommandations de Leilani Farha à la France : rendez-vous ici
Un rapport complet sur sa visite sera rendu à la France en 2020.