L’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne (FRA), chargée de conseiller les institutions et les Etats membres de l’UE en matière de respect et de protection des droits fondamentaux vient de publier un nouveau rapport consacré à la mise en œuvre du principe de libre-circulation des citoyen.ne.s européen.ne.s au sein des Etats membres. Souvent présenté comme un acquis fondamental de l’UE, le principe de libre-circulation, et l’ensemble des droits connexes qu’il inclut, continue dans la pratique d’être mis en œuvre de façon inégale.
La FRA a été missionnée par la Commission Européenne pour établir un recueil montrant comment les tribunaux nationaux des Etats membres appliquent et interprètent le principe de libre circulation. Elle présente les difficultés que posent l’intégration et les interprétations différentes, au sein des Etats membres, de la législation européenne en matière de droit des citoyens de l’UE, et notamment la directive européenne de 2004 sur la liberté de circulation des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles. Les notions de « membres de famille », de « ressources suffisantes » ou de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » ou encore les conditions d’allocation des prestations sont ainsi interprétées différemment par les tribunaux et la législation des Etats et sont synonymes de divergences et difficultés.
A titre d’illustration, la FRA relève qu’une citoyenne portugaise employée au Luxembourg s’est vue retirée son permis de résidence par les autorités au motif qu’elle était incapable de prouver qu’elle disposait de ressources suffisantes, et ce malgré le fait qu’elle travaillait. Ses employeurs n’avaient en réalité déclaré que 12 heures seulement de travail par semaine. Ayant fait appel de cette décision, la Cour administrative suprême du Luxembourg a jugé que dans certaines circonstances, peut très bien être qualifiée de travailleur une personne ne travaillant que 12 heures par semaine et que d’autres éléments, tels que le bénévolat dans une association, peuvent aussi avoir un impact sur la reconnaissance du statut de travailleur européen.
Le rapport relève par ailleurs les discriminations que subissent, dans la pratique, certain.e.s citoyen.ne.s européen.ne.s en raison de leur nationalité, restreints dans leurs accès à différents droits fondamentaux. L’inégalité de traitement entre ressortissant.e.s européen.ne.s installé.es dans un Etat membre et ressortissants nationaux continue ainsi de se traduire dans de nombreux domaines : accès à l’emploi, accès au logement ou à un compte bancaire, accès aux aides sociales conditionnées à une durée de résidence minimum ou encore droit de vote.
Face à ces constats, la FRA recommande aux Etats « de collecter systématiquement des données sur la manière dont cette directive est appliquée et recenser les problèmes éventuels de discrimination ». Elle leur recommande également de « fournir plus d’effort en matière de conseils juridiques et formation des professionnels du secteur juridique » afin de mieux intégrer le droit de l’UE en matière de séjour et de permettre un meilleur respect des droits fondamentaux des citoyens de l’Union Européenne.
Parallèlement à ce rapport de la FRA et sur le même sujet, une étude menée dans le cadre du projet PRODEC (Protéger les droits des citoyens mobiles de l’UE en situation de précarité) par la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abris (FEANTSA) montre comment le principe de libre circulation de l’UE se traduit dans la pratique en Belgique, en l’Allemagne et au Royaume-Uni pour les citoyens européens mobiles en situation de précarité. L’intégration de la directive européenne de 2004 sur la liberté de circulation, l’impact des législations nationales sur l’accès aux prestations sociales et le droit de résidence ainsi que les expulsions dont font l’objet les citoyens pauvres de l’UE sont ainsi finement analysés dans ces trois pays européens.
Cette étude comparative conclue entre autres : – aux nombreux obstacles à la reconnaissance du statut de travailleur des citoyens européens précaires – aux restrictions en matière d’accès aux prestations sociales pour les citoyens travaillant pour la première fois – à l’interprétation très large des notions de trouble à l’ordre public et à la sécurité publique justifiant les expulsions sur ces motifs – aux délais très longs ainsi que la rétention des documents d’identité imposés aux membres de familles de citoyens européens installées au Royaume-Uni. |