C’est une première : sous l’impulsion d’une coalition d’organisations de la société civile européenne, le Migration Policy Group vient de lancer une Initiative Citoyenne Européenne pour un changement de politique migratoire. La condition pour obliger l’Europe à faire face avec humanité et réalisme à ce défi majeur qui nous attend : réunir plus d’1 million de signatures dans au moins 7 États membres. La mobilisation, lancée en France le jeudi 12 avril 2018, s’annonce très large.
Le contexte
En ce début de siècle, les migrations s’annoncent comme un enjeu majeur pour nos sociétés. Or il apparaît de plus en plus évident qu’une réponse adaptée ne peut venir que d’une politique européenne commune. Pourtant, les Etats membres ne parviennent pas à se coordonner sur la question de l’accueil à réserver aux hommes, aux femmes et aux enfants qui fuient les violences en tous genres.
Les murs s’érigent autour d’une Europe forteresse dans lequel un grand nombre de citoyens et citoyennes ne se reconnaissent pas, et les poursuites judiciaires contre ceux et celles qui viennent en aide aux personnes migrantes se multiplient aux quatre coins du continent.
Le 15 décembre 2017, sept citoyennes et citoyens européens réunis par le Migration Policy Group ont déposé auprès de la Commission européenne la première Initiative Citoyenne Européenne sur le sujet de la migration, pour porter la voix de toutes celles et ceux qui refusent l’orientation des politiques migratoires actuelles et pour initier, ensemble, un changement de cap.
A la veille du lancement de la campagne, plus de 130 organisations issues de 15 États membres de l’Union européenne soutiennent déjà l’initiative et s’apprêtent à la relayer.
La condition: – recueillir 1 million de signatures sur papier ou en ligne
– dans au moins 7 États membres
– d’ici le 14 février 2019
Une fois cette condition remplie, les organisateurs sont invités à présenter leur initiative lors d’une audition publique organisée au Parlement européen et la Commission est obligée de prendre en compte les propositions de l’ICE.
Quel est l’objectif du Migration Policy Group ?
Une ICE permet de transformer l’agenda politique migratoire national et européen en confrontant les décideurs politiques à une mobilisation publique significative. Notre campagne se construit autour de deux axes principaux : replacer le citoyen européen au centre de la politique migratoire et renforcer le respect des droits des personnes migrantes et réfugiées. Ainsi, notre ICE adresse à la Commission Européenne trois demandes précises:
1. Soutenir les citoyens, citoyennes et bénévoles européens qui viennent en aide aux personnes réfugiées ;
2. Mettre un terme au « délit de solidarité » pratiqué par plusieurs États membres de l’UE dont la France ;
3. Assurer le respect des droits fondamentaux des personnes migrantes, notamment des demandeurs et demandeuses d’asile en renforçant les mécanismes des plaintes face à l’exploitation au travail et aux maltraitances des gardes-frontières européens.
Le texte de l’Initiative Citoyenne Européenne
Nous sommes une Europe accueillante : laissez-nous agir !
Les gouvernements n’arrivent pas à faire face aux enjeux posés par les migrations. La plupart d’entre nous voulons soutenir des personnes qui en ont besoin, parce que nous ne pouvons pas être indifférents à leur sort. Des millions de personnes se sont mobilisées pour apporter leur soutien. Aujourd’hui, nous voulons être entendus. Exigeons une Europe accueillante ! Nous appelons la Commission européenne à agir.
1. Des citoyens de toute l’Europe souhaitent parrainer des réfugiés pour leur offrir un foyer sûr et une nouvelle vie. Nous voulons que la Commission offre un soutien direct aux groupes locaux venant en aide aux réfugiés qui se voient délivrer un visa national.
2. Nul ne devrait être poursuivi ou se voir infliger une amende pour avoir apporté une aide humanitaire ou un toit. Nous voulons que la Commission empêche les États membres de punir les citoyens solidaires.
3. Tout le monde a droit à la justice. Nous voulons que la Commission garantisse des moyens et des règles plus efficaces pour défendre toutes les victimes de l’exploitation par le travail et de la criminalité en Europe, ainsi que toutes les personnes victimes de violations des droits de l’Homme à nos frontières.
Traités concernés : Article 77, paragraphe 2, point d), article 78, paragraphe 2, et article 79, paragraphes 2 et 4, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)
La campagne Française, axée sur le délit de solidarité
Le délit de solidarité est rendu possible par la directive européenne de 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers. En France, les citoyens et citoyennes qui viennent en aide aux personnes migrantes risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour « aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier » ou plus communément appelé « délit de solidarité ».
En 2018, le statut juridique d’un individu importe plus que sa condition d’être humain : les papiers avant l’humanité, la régularité avant la dignité.
Il ne s’agit pas que d’un enjeu français : en Grèce, au Danemark, au Royaume-Uni, en Suède, en Italie et peut être bientôt en Belgique et en Autriche où la législation sur ce sujet pourrait se durcir, des citoyens et citoyennes sont menacés et trainés en justice, souvent condamnés, pour avoir ouvert leurs portes et apporté leur aide à des personnes qui n’ont plus rien que leur courage et leur volonté de vivre.
Nous, citoyens et citoyennes français et européens, voulons pouvoir accueillir et soutenir celles et ceux qui en ont besoin, quel que soit leur statut juridique ou leur nationalité, sans crainte d’être poursuivis.