33e rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie

La Commission nationale consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) a publié ce mardi 4 juillet 2023 son Rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, le 33e depuis son lancement.

Alors que les dernières études menées par le rapporteur indépendant de la CNCDH montraient une progression de la tolérance des Français·es vis-à-vis des Roms au cours de la dernière décennie, celle-ci semble avoir été stoppée nette.

 

Ainsi, 67% des Français·es interrogé·es considèrent que les Roms forment « un groupe à part » dans la société, contre 61% l’année dernière. Bien que cette hausse puisse être temporaire et doive être vérifiée dans les prochaines années, elle marque néanmoins une rupture dans la dynamique à la baisse observée depuis le pic à 87% enregistré en 2014. Aussi, il est à noter que 55% des Français·es jugent que ce seraient les Roms eux-mêmes à ne pas vouloir s’intégrer dans la société, contre 50% l’an dernier.

Globalement, les Roms restent très largement la minorité la moins bien perçue en France.

 

 

Selon la CNCDH, la perception de « mauvaise intégration » des Roms par les personnes interrogées tirerait son origine dans deux préjugés très largement ancrés en France :

 

1) Tout d’abord, les Roms auraient des modes de vie « spécifiques », voire « condamnables ». Près de 7 Français·es sur 10 pensent que les Roms sont « pour la plupart nomades » tandis que 57% affirment qu’ils « exploitent très souvent les enfants ». Ces stéréotypes discriminants peuvent respectivement s’expliquer par les expulsions à répétition dont sont victimes les Roms habitant dans des lieux de vie informels, et les difficultés des familles à scolariser leurs enfants.

La CNCDH attire ainsi l’attention sur les rapports annuels de l’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels publiés depuis 2019 par un collectif composé entre autres du CNDH Romeurope, la Fondation Abbé Pierre ou encore la Ligue des Droits de l’Homme. Dans son focus, la CNCDH appelle à l’adoption d’un cadre réglementaire plus contraignant pour l’application des recommandations de la circulaire du 26 août 2012 et de linstruction du 25 janvier 2018 (diagnostic social en amont, respect de la trêve hivernale, cessation de la confiscation et destruction de biens) et recommande le renforcement des moyens attribués à la politique de résorption des lieux de vie informels. La commission invite aussi à l’instauration d’une « trêve scolaire ».

 

2) Par ailleurs, près d’un·e Français·e sur deux (49%) estime que les Roms « vivent essentiellement de vols et de trafics ». Ce préjugé est largement lié à la façon dont sont représentés les Roms et « Gens du voyage » dans la sphère publique et médiatique. Dans un focus dédié à cette question, la CNCDH évoque l’association presque systématique dans la presse des Roms ou « Gens du voyage » à des crimes ou délits, et le choix de caravanes comme illustration des articles mentionnant ces mêmes personnes. Par ailleurs, la commission relève la large diffusion de discours empreints d’antitsiganisme et de discours de haine à l’égard des Roms ou « Gens du voyage » sur les réseaux sociaux, en particulier sur Tik Tok.

Ainsi, la CNCDH recommande le renforcement de la formation dans les écoles de journalisme sur le thème de l’antitsiganisme. Il s’agit là en particulier de développer le recul critique des étudiant·es par la mise en évidence des biais médiatiques et choix de cadrages susceptibles de renforcer les préjugés.

 

En plus de mesurer le racisme à l’égard des populations Roms ou Voyageuses, la CNCDH rappelle dans son 33e rapport les conséquences concrètes que peuvent avoir les préjugés sur les individus. Ainsi, la commission rappelle que la rumeur dite de la « camionnette blanche » avait débouché sur des actes violent à l’égard des personnes Roms et des « Gens du voyage » en 2019. En février 2023, des habitants de Villeron dans le Val d’Oise s’en sont quant à eux pris à un bidonville où habitaient des personnes Roms et ont détruit leurs biens après les avoir expulsées. Plus généralement, la réticence des habitant·es d’un territoire à accueillir des communautés étrangères ou des minorités peut mener des élus locaux à ignorer les recommandations de l’instruction de 2018 dans le but d’accélérer l’expulsion des lieux de vie informels.

 

Une seule observation relative à la lutte contre l’antitsiganisme dans le 33e rapport de la CNCDH est positive : la progression d’opinions favorables à la reconnaissance de l’extermination des populations Roms par les nazis. Ainsi, seuls 3% des personnes interrogées estiment que l’on parle trop de l’extermination des tsiganes et roms pendant la Seconde Guerre mondiale (contre 15% pour l’extermination des Juifs).

Cette question explique à elle seule la très légère progression de l’indice longitudinal de tolérance (ILT) des personnes Roms cette année (42 cette année). Malgré tout, la tolérance envers les personnes Roms et Voyageuses restent loin derrière celle des personnes Noires, Maghrébines ou Juives (autour de 70%).

Établi sur la base des réponses à une série de questions relatives à l’image des minorités, répétée sur plusieurs années, l’indice longitudinal de tolérance vise à mesurer l’évolution des préjugés en France depuis 1990. Plus l’indice s’approche de 100, plus les personnes interrogées ont donné des réponses tolérantes.

 

Parmi ses recommandations prioritaires, la CNCDH préconise le déploiement de moyens humains et financiers consacrés à la lutte contre l’antitsiganisme. La commission demande un engagement plus fort du Gouvernement ainsi que des collectivités territoriales pour faire évoluer le regard, le discours et les pratiques vis-à-vis des populations Roms. En particulier, la CNCDH invite à la mise en œuvre d’une politique efficace de lutte contre les préjugés et stéréotypes, et à l’adoption de mesures concrètes d’accès aux droits pour les personnes Roms ou assimilées à elles.

« Recommandation VI
Afin de permettre l’effectivité de la stratégie nationale d’action sur l’égalité, l’inclusion et la participation des Roms, la CNCDH recommande le déploiement de moyens humains et financiers consacrés à la lutte contre l’antitsiganisme.
La CNCDH souhaite un engagement du Gouvernement et des collectivités territoriales pour faire évoluer le regard, le discours et les pratiques vis-à-vis des populations roms ainsi que des mesures concrètes d’accès aux droits et une politique de lutte contre les préjugés et les stéréotypes.»