Nous sommes enfin suffisamment reposés pour vous adresser le compte-rendu de cette journée du 6 avril, une énième évacuation à laquelle on ne s’habitue pas. Mais d’abord une grande nouvelle : la jeune maman a bien attendu le jour de l’expulsion -comme elle le prédisait en riant- pour accoucher à 4 H. du matin (à moins que ce soit ce petit bébé qui l’ait voulu !) un beau petit garçon est venu rejoindre son frère de 3 ans ce 6 avril.
Comme nous l’avions dit au dernier CA cette évacuation inévitable a été préparée en amont afin qu’elle se passe du mieux possible, nous avons tenu les familles au courant de chaque contact avec une autorité. Pour la première fois nous avons eu l’impression que tous les services avec lesquels nous avons pu être en contact cette dernière semaine (plateforme AIOS, mairie, sous-préfecture, DDCS, gendarmerie) souhaitaient que malgré la situation difficile qu’entraîne une évacuation, celle-ci prévue de longue date et dont tous les recours étaient épuisés, se passe dans la dignité.
Quelques chiffres pour rappel :
35 familles (un peu plus d’une centaine de personnes) étaient encore présentes sur les 3 terrains une semaine avant l’expulsion annoncée. Les 26 familles de ferrailleurs (90 personnes) sont parties le week-end précédent.
Le matin de l’évacuation 17 familles sur les 29 qui avaient demandé un hébergement, se sont présentées ; 3 familles ont refusé dans la journée les hôtels proposés.
Grand changement par rapport à la dernière expulsion vécue par ces mêmes familles en septembre 2013 à Wissous, seulement 3 familles avaient accepté un hébergement.
Ce matin, les familles qui souhaitaient un regroupement ont pu bénéficier d’un hébergement adapté à la composition de la famille. Certains de ces regroupements étaient prévus, d’autres ont pu être acceptés au dernier moment, certaines destinations ont pu être revues selon la demande ; ces changements ont été possibles puisqu’une 12aine de familles ne sont pas venues. La proposition de mise à l’abri est pour une semaine, les familles qui le souhaitent peuvent bien sûr demander la prolongation au 115 et éventuellement leur changement.
Comme promis la veille par le capitaine de gendarmerie qui dirigeait les opérations, c’est un petit nombre de policiers (par rapport à ce qu’on a connu) disséminés en petit groupe, qui était sur place ; et en tenue de policier, pas de « robocop » ni flasball.
Le seul incident a été qu’une jeune femme avec son petit de 14 mois a été empêchée de monter dans son véhicule car pas de siège pour l’enfant. La jeune ne voulait rien entendre, même si la sous-préfète comme le responsable de la plateforme et nous-mêmes tentions de la convaincre de la dangerosité pour son petit.
Du soutien pour les familles avec une huitaine de personnes de l’ASEFRR et 5 personnes d’Intermèdes.
Les moins et plus que moins :
– pas d’hôtel sur notre secteur (Massy, Longjumeau, Palaiseau, Chilly), le plus près Athis (pr une seule famille) contrairement à ce qui avait été dit les derniers jours ( peut-être hôtels complets après expulsions précédentes ?) ;
– peu d’hôtels attribué avec la possibilité de faire la cuisine ;
– des familles pourtant répertoriées avec enfants scolarisés ont eu des hébergements éloignés, Corbeil et même dans le 95 ; promesse de les rapprocher…
– pas de transport prévu malgré notre demande (transport à proximité bien utilisé par les familles nous a-t-on opposé). Aussi merci aux bénévoles et sympathisant de l’ASEFRR qui ont bien voulu assurer le transport de plusieurs familles. Plusieurs autres se sont débrouillées seules pour rejoindre leur nouveau lieu.
Cette évacuation n’a pas été des plus calmes, (là encore par rapport à ce qu’on connaissait), la proposition d’hébergement s’est faite correctement et dans le respect de tous même s’il a fallu faire face à quelques mécontentements exprimés de façon virulente par plusieurs personnes.
Nous avons quitté ce lieu de vie de 3 ans et demi non sans émotion et en partageant nos larmes avec les 2 dernières familles à accompagner.
En soirée toutes les familles (sauf 2 injoignables) nous ont dit leur satisfaction d’être hébergées même si, ont dit plusieurs d’entre elles, « c’est loin, la chambre est un peu petite, il n’y a pas de cuisine ou qqfois une petite cuisine commune », les remerciements ont compensé les invectives du matin. On verra dans quelques jours si cette première impression positive perdure. Peut-être que plusieurs de ces familles pourront être accompagnées de façon suffisamment efficace pour qu’elles puissent s’engager si elles le souhaitent dans une démarche d’intégration. Nous restons en lien.
Les familles qui ne se sont pas présentées ou qui ont refusé la proposition d’hébergement s’étaient regroupées sur un nouveau terrain d’où elles ont été expulsées en fin d’après-midi, ni Pascal toujours dans le transport pour une famille, ni moi sur le retour de Champlan sans voiture n’avons pu nous rendre sur place ; seul Joseph a y aller pu mais les familles avaient déjà été refoulées hors du terrain.
Aucune famille n’a passé la nuit dehors -sauf un couple qui a préféré dormir sous la tente dans un parc- ; pour les autres la solidarité familiale a fonctionné, elles ont rejoint une parenté en appartement et certaines ont prévu de repartir en Roumanie prochainement. Plusieurs d’entre elles ont trouvé une autre place, peut-être bientôt une nouvelle procédure à entamer… si tout se passe bien, à leur demande nous gardons le contact.
La rentrée s’annonce compromise pour la plupart des enfants ; le retour à une scolarité ne pourra se faire avant quelques semaines, le temps de voir si leurs familles sont suffisamment stabilisées pour envisager une inscription dans une école à proximité de leur hébergement.
Encore une fois, pour beaucoup, tout recommencer.
Bonne journée,